Dossier de presse 2024

Ils ont vue sur Loire : « En cas de crue, on sait ce qu’il y a à faire »

En bord de Loire, et de part et d’autre du remblai SNCF traversant le pays d’Ancenis, ils ont appris à vivre avec les aléas du fleuve et surveillent sa cote comme le lait sur le feu. Ils nous racontent leur quotidien.

Joseph Branchereau habite route de la Chaussée à Anetz (Vair-sur-Loire) : «Quand elle passe les 4 mètres à l’échelle de référence de Montjean, on commence à se demander si on ramasse nos affaires de jardin.»

Joseph Branchereau habite route de la Chaussée à Anetz (Vair-sur-Loire) : «Quand elle passe les 4 mètres à l’échelle de référence de Montjean, on commence à se demander si on ramasse nos affaires de jardin.» | OUEST-FRANCE

La Loire a livré une grande partie de ses secrets à Joseph Branchereau, né sur l’île Briand, il y a 83 ans. Au bout de la route de la Chaussée à Anetz (Vair-sur-Loire), sa salle de séjour offre un poste d’observation et une vue remarquable sur le fleuve. « Pour nous, 3,70 m ce n’est pas inquiétant tant que l’eau n’atteint pas la route. Mais, q uand elle passe les 4 mètres à l’échelle de référence de Montjean-sur-Loire, on commence à se demander si on ramasse nos affaires de jardin. À 4,60 m, on prend le bateau pour rejoindre le passage à niveau fermé toute l’année et dont l’automatisme est réactivé uniquement en cas d’inondation. On sait ce qu’il y a à faire. On est habitué, on rapproche nos voitures de la barrière SNCF. »

« En cas d’alerte rouge, on reçoit un message »

Ce mercredi 3 avril, comme chaque jour, en jetant un coup d’œil à la fenêtre, il a déjà sondé le niveau de 3,73 m annoncé sur le site Vigicrues. « On est loin des plus fortes crues comme celle de décembre 1982 avec 6,45 m. Pendant une semaine, on s’est levés toutes les nuits. Elle a arrêté de monter la veille de Noël. C’était un beau cadeau car on avait 10 cm d’eau dans la véranda, et elle n’était plus qu’à 15 cm de notre première marche de la maison. »

Une photo fixée au mur extérieur de la maison rappelle cette autre crue de janvier 1994. On y voit la maison entourée par les flots. Mais, Joseph Branchereau élargit aussi son horizon en observant aussi ce qui se passe sur les affluents de la Loire. À savoir, la conjonction de fortes crues de l’Allier et de la Vienne. « On espère que ça ne fera pas trop monter le niveau. De toute façon, en alerte rouge, on reçoit un message. »

En bord d’itinéraire de Loire à vélo, au Bois-Vert, Gaëtan Hurvoy et Nadine Charpentier surveillent la Loire pour savoir s’ils devront déplacer leurs caravanes. « Ici, on a déjà eu 1,80 m d’eau ! » 

« La vraie alerte, c’est une cote à 4,10 m à Montjean »

À quelques pas de la porte à crue du Bois-Vert, Odile Lianas, une riveraine du remblai, explique : « Tout le long, il y a aussi des petites digues de terre de quelques centimètres plus ou moins naturelles renforcées par les agriculteurs. Quand, les animaux les piétinent, parfois ça crève et ça passe par-dessus. Mais, la vraie alerte, c’est une cote à 4,10 m à Montjean-sur-Loire. On sait alors que la route de notre village sera inondée. »

En bordure d’itinéraire de la Loire à vélo, un couple de vacanciers originaire de Vallons-de-l’Erdre, séjourne sur son terrain La clef du Bois-Vert. Gaëtan Hurvoy et Nadine Charpentier surveillent la Loire. « Ici, on a déjà eu 1,80 m d’eau. Ce matin à 9 h 15, des agents SNCF sont passés pour nous dire que nous n’avions pas besoin de déplacer nos caravanes pour l’instant. Ils repasseront quand ce sera nécessaire. Ils circulaient avec cinq fourgons et j’ai vu, à travers le carreau de l’un d’entre eux, du foin. Je me suis dit qu’ils avaient sans doute des bêtes chez eux », plaisante Gaëtan.

À l’aide de madriers et de foin tressé, les agents de SNCF réseau ont étanchéifié les portes à crue entre Vair-sur-Loire et Ingrandes-Le Fresne-sur-Loire, comme celle de La Courbe à Varades (Loireauxence). 

De fait, à l’aide de madriers et de foin tressé à la main, ces agents ont assuré depuis mardi, la fermeture et l’étanchéité du battement de 15 des 26 portes à crue réparties le long du remblai SNCF traversant le pays d’Ancenis. Une opération finalisée vendredi « sur le secteur situé entre Vair-sur-Loire et Ingrandes-Le Fresne-sur-Loire, a confirmé, SNCF réseau en prévision d’une cote à 3,98 m, ce dimanche à 10 h (basse à 3,81 m et haute à 4,17 m) sur l’échelle référence de Montjean-sur-Loire. Cinq passages à niveau piétons ont été ouverts. Un passage automatique également. En conséquence, la vitesse des trains a été réduite à 160 km/h au lieu de 220. »

Coincé entre la Loire et le périph de Nantes, ce site naturel oublié sera bientôt mis en valeur

Visible depuis le pont de Bellevue, mais peu fréquenté, le site naturel de Longue-Mine, à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique), enclavé depuis la construction du périphérique nantais, sera réaménagé en 2025. Propice à la promenade, ce havre de paix de 70 hectares en bord de Loire abrite aussi bien des castors que des plantes rares, ainsi que plusieurs pêcheries et les vestiges d’un ancien port.

Aurélie Valadié, chargée de mission à Nantes métropole, ici devant la boire de Longue-Mine, un bras de Loire en eau seulement durant l’hiver, prisé des pêcheurs.

Seul le bruit de fond du périphérique nantais trouble, à peine, le calme du lieu. Principalement accessible aux piétons depuis le parking de la rue du Port (1), à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique), via un passage sous la quatre voies au niveau de l’écluse du canal de Goulaine, le site naturel de Longue-Mine, en bord de Loire, compte parmi les plus oubliés de la métropole nantaise. La faute à son enclavement.

Jadis une île, comme le sont restées ses voisines de Saint-Sébastien-sur-Loire (Héron, Pinette, Forget), raccrochée au rivage goulainais à coups d’extensions par les éleveurs à la fin du XVIIIe siècle, cette langue de terre de 70 hectares a d’abord été isolée par l’érection de la levée de la Divatte, vers 1850 ; puis par la construction progressive du périphérique sur la digue, entre les années 1970 et 1990, parachevant le cloisonnement d’un site historiquement dédié à l’élevage, en plus de priver Basse-Goulaine d’un accès à la Loire et à son ancien port. Difficile de s’imaginer qu’autrefois, le restaurant Bénureau y avait les pieds dans l’eau, dans un cadre bucolique…

Le site de Longue-Mine est un havre de paix qui jouxte le périphérique de Nantes (qui passe au fond, derrière l’écluse du canal de Goulaine). Un port a longtemps existé à cet endroit.

« Un lieu étrange »

Ainsi, aussi proche soit-il des milliers d’automobilistes qui l’aperçoivent chaque jour depuis le pont de Bellevue avant de le longer, Longue-Mine est aujourd’hui à peine connu des quelques joggeurs, vététistes, chasseurs, pêcheurs et autres riverains qui le fréquentent. Pour le plus grand plaisir des cormorans et autres faisans. « Il est rare de voir un secteur ayant été autant bouleversé, tout en restant très naturel. C’est un lieu étrange, car dès qu’on s’y enfonce depuis le périphérique, on a l’impression d’être en pleine campagne », confie Aurélie Valadié, chargée de mission Étoile verte (2) à Nantes métropole.

En lien avec la ville de Basse-Goulaine, la collectivité y porte un projet global de mise en valeur pour le public. Une idée soufflée dès 2015 par un collectif d’habitants lors du grand débat sur l’aménagement des bords de Loire à Nantes. Lancées en 2020, en concertation avec les usagers, les études s’achèvent et les travaux s’étaleront sur l’année 2025, pour un montant total de 1,9 million d’euros.

En bordure du site de Longue-Mine, à Basse-Goulaine, une voie de service, accessible aux cyclistes, longe le périphérique. Un nouveau chemin pédestre sera notamment aménagé en contrebas.

Frênes têtards et castors

Objectif : remettre en état ce site classé Natura 2000 et en faire « un lieu de promenade et de découverte du patrimoine de Loire ». Un projet empreint de sobriété, afin d’affecter le moins possible le milieu, composé notamment de « prairies humides typiques des bords de Loire ».

Un toilettage du site, « relativement dégradé », est d’abord prévu. Un paradis pour les frênes têtards, emblèmes du paysage ligérien, où niche une généreuse diversité d’insectes et d’oiseaux. Ces arbres seront entretenus et de nouveaux seront plantés. Les haies bocagères seront aussi restaurées. Ici, pousse la fameuse angélique des estuaires, plante endémique que l’on trouve, dans le monde, « sur les seuls estuaires de la Loire, de l’Adour et de la Garonne ».

Coincé entre la Loire et le périphérique de Nantes, le site de Longue-Mine fera l’objet de travaux de valorisation en 2025.

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Associés au projet, les pêcheurs de la Gaule nantaise se chargeront de restaurer la boire de Longue-Mine (un bras de Loire, en eau seulement l’hiver) : l’eau y stagne à cause d’une buse sous-dimensionnée, « ce qui favorise les plantes invasives, comme la jussie ».

Autre particularité des lieux : ils recèlent des traces de castors, les rongeurs « effectuant ces dernières années leur retour en Loire depuis l’amont », glisse Aurélie Valadié.

Sur le site de Longue-Mine, à Basse-Goulaine, les frênes têtards seront entretenus et de nouveaux arbres plantés.

Passerelle jusqu’aux îles de Saint-Sébastien

Mais le plus gros chantier concernera l’accessibilité du site. La grande nouveauté, à son extrémité ouest, sera la création d’une passerelle de 40 mètres de long traversant la rivière du Boireau. Elle permettra de rejoindre l’île Pinette, où se situent le golf et la zone de loisirs de Saint-Sébastien. La liaison, très attendue, entre les deux communes, ouvrira la possibilité d’une belle promenade jusqu’à l’île Forget et sa Station Nuage, « sans avoir à repasser par la porte de Goulaine et le boulevard des Pas-Enchantés ».

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À cet endroit, une passerelle enjambant le Boireau permettra de relier le site de Longue-Mine (Basse-Goulaine) à l’île Pinette (Saint-Sébastien-sur-Loire).

Aussi, une boucle pédestre sera aménagée afin de faire le tour du site de Longue-Mine. L’entrée par la rue du Port sera revue pour mieux inviter à s’aventurer sous le périphérique. Aujourd’hui discontinus, les sentiers déjà existants seront confortés et, surtout, reliés entre eux.

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Avec notamment la création d’un chemin en contrebas de la voie de service longeant le périphérique (ce ruban de bitume se trouve sur le circuit de la Loire à vélo). Mais aussi d’une traversée des pâturages, en milieu de zone, là où est toujours installée la ferme d’un éleveur de chevaux. C’est ici que s’effectue, à la belle saison, le tri des bovins allant pâturer sur l’île Héron (accessible depuis Longue-Mine par un gué, mais interdite au public). Le chemin permettra d’accéder, au nord, à une vasière bordant la Loire, où un observatoire ornithologique sera installé.

Sur le site de Longue-Mine, à Basse-Goulaine, les chemins existants seront complétés pour créer une vaste boucle de promenade.

Étang et pêcheries de Loire

Cette vasière, tout comme le vaste étang de la Croix-Rouge à proximité, dont il est déjà possible de faire le tour à pied, « avaient été creusés dans les années 1970 pour les besoins en sable du chantier de la station-service, de l’autre côté du périphérique », retrace Aurélie Valadié. L’étang et sa station de pompage servent toujours à alimenter les maraîchers de la Divatte, en plus de ravir les pêcheurs de la Gaule nantaise.

Au bout du plan d’eau, parmi les « très rares » vestiges de cinq pêcheries sur la Loire, dont deux sont toujours utilisées, l’une sera rénovée en pêcherie pédagogique. Car le projet porté par la commune et la métropole compte aussi un volet patrimonial.

À Basse-Goulaine, le site de Longue-Mine compte cinq pêcheries sur la Loire. L’une d’elles sera restaurée en pêcherie pédagogique.

Vestiges de l’ancien port

Sitôt passé l’écluse depuis la bien nommée rue du Port, le promeneur tombe nez à nez sur les restes de l’ancien port-cale de Basse-Goulaine. Envahis par la végétation, les pavés de la cale – qui avait été reconstruite après une crue dévastatrice au début du XXe siècle – seront nettoyés et remis en valeur.

Ils témoigneront de l’histoire de ce port d’étier qui a longtemps servi, depuis la construction du canal de Goulaine, au milieu du XVIIe siècle, aux déplacements quotidiens des Goulainais, au transport de denrées agricoles vers Nantes et à la pêche. Jusqu’à son abandon définitif de tout usage, victime de son envasement, il y a une vingtaine d’années. Peu esthétique et très dégradé, le petit bâtiment en béton, « construit dans les années 1960 pour le stockage des civelles », sera quant à lui démoli.

Désormais abandonné, le port de Basse-Goulaine était à l’origine un simple mouillage pour les chalands et les gabarres, à l’embouchure du canal de Goulaine, près de la Loire. | DR

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Des pavés au sol témoignent de la cale de l’ancien port de Basse-Goulaine, avant que le périphérique nantais ne vienne isoler le site de Longue-Mine. Au fond, le bâtiment dédié au stockage des civelles sera détruit.

Quelques mètres plus loin, un ponton sur la Goulaine sera restauré. De l’autre côté de la rive, un mur en pierre se devine, noyé dans la végétation. « Cette rampe est le début d’un pont qui traversait la Goulaine au XVIIe siècle. Autrefois, cette route était le seul accès à Nantes depuis l’est. On a redécouvert ces vestiges lors de l’étude ; ils ne figuraient pas dans nos inventaires. Ils seront débroussaillés pour être visibles, mais resteront inaccessibles », explique Aurélie Valadié.

En divers endroits du site, des panneaux d’interprétation permettront d’éclairer sa compréhension. Et ce dès le village de la Rivière, le long de la rue du Grignon, rappelant ainsi aux visiteurs son lien historique avec la Loire.

(1) Le site est aussi accessible à pied et à vélo depuis le pont de Bellevue. Le chemin jusqu’à l’étang de la Croix-Rouge sera conforté dans le cadre du projet.

(2) Porté par Nantes métropole, le projet Étoile verte vise à créer des chemins de randonnée le long des cours d’eau (Loire, Erdre, Sèvre, Cens, Chézine). Il sera présenté en 2025.